Montessori à la maison avec les Montessouricettes

224. La mort de son enfant : un an après

April 10, 2024 Anne-Laure Schneider Episode 224
Montessori à la maison avec les Montessouricettes
224. La mort de son enfant : un an après
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Je n'avais pas envie de faire ce podcast, mais je me suis obligée à le faire.

Je me suis imposée de le faire pour :
- toutes les mamans qui ont perdu un enfant et avec qui je partage cette peine qui nous a rapprochées ;
- pour mes amies et mes proches,
- pour toutes les Souricettes qui m’ont apporté leur soutien de bien des façons ;
- pour les médecins qui m’ont partagé leur expérience professionnelle sur le sujet.

Merci à tous pour votre soutien, votre présence par un message, un mail, un sourire, une lettre… tout au long de cette année. Chacune de vos attentions nous réchauffe le cœur et nous aide au quotidien. ❤️

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Anne-Laure:

Montessori chez eux avec leurs enfants ou les enfants qu'ils gardent. Dans ce podcast, nous parlerons donc de pédagogie Montessori, mais aussi de discipline positive, d'instruction en famille ce qu'on appelle aussi l'école à la maison de co-schooling et de bien d'autres choses encore. Je n'ai pas envie de faire ce podcast et, pour être honnête, j'ai bien failli ne pas le faire. Je l'ai reporté de multiples reprises pour plusieurs raisons. La première, c'est que je n'ai pas envie d'en parler et, en même temps, je veux faire ce podcast, c'est à dire que j'estime qu'il est utile, qu'il pourra apporter de l'aide aux parents qui vivent le deuil d'un de leurs enfants et à l'entourage de ces parents, de même qu'aux médecins, aux professionnels de santé, à tous ceux qui peuvent être confrontés à des parents en deuil et qui se sentent totalement démunis. Si vous avez déjà écouté l'épisode 201 de ce podcast, vous savez que nous avons perdu un fils, étienne, qui avait trois ans et demi et qui s'est noyé. Je ne reviendrai pas du tout aujourd'hui sur les circonstances de sa mort, mais nous sommes un an et un mois après son décès et j'avais envie de vous parler de ce que c'est que le deuil d'un enfant un an après, et je vais être franche, je n'ai pas une vision bien nette de ce que je vis. Je n'ai pas de recul et je vais être franche. Je n'ai pas une vision bien nette de ce que je vis. Je n'ai pas de recul Et je vais être franche.

Anne-Laure:

Ce ne sera pas un beau podcast, vous savez bien, structuré en trois parties, avec mes conseils, mes recommandations, parce que je suis en plein dedans Et que ce deuil, il est très loin d'être fini, un an et un mois après. Et en même temps, c'est peut-être justement pour ça qu'il fallait que je le fasse, ce podcast. Donc, comme je vous le disais, je veux le faire et je n'en ai pas envie. J'ai fait ce que font les adultes, je me suis donné un coup de pied aux fesses, je me suis imposé une date limite et je le démarre aujourd'hui. Je n'aurai même probablement pas le temps de tout enregistrer en une seule fois, parce que je sens que ça va être un podcast assez long, désolée par avance, mais le sujet est important.

Anne-Laure:

Comme vous savez qu'on va parler de deuil, attention, si vous vivez vous-même une situation où vous vous sentez sensible, si vous n'avez pas envie d'écouter ce podcast, ne l'écoutez pas. Si vous en avez envie, quelles que soient vos circonstances, c'est peut-être que vous en avez besoin, et je réitérerai ce que j'avais dit dans l'épisode 201,. C'est forcément un épisode où je vais être très vulnérable, où je vais beaucoup vous parler de moi, de sujets qui, en général, relèvent de l'intime de ma situation médicale, où j'en suis dans ce deuil, des choses qui ne transparaissent pas à l'extérieur. Alors, dans ce podcast, j'aborderai les discussions que j'ai eues avec des amis médecins sur la formation qu'ils reçoivent en tant que médecins, sur les deuils qu'elles ont pu accompagner parce que ce ne sont que des femmes, sur les deuils qu'elles ont pu accompagner parce que ce ne sont que des femmes.

Anne-Laure:

Et puis, j'aborderai aussi mon propre témoignage, là où j'en suis, un an après la mort de notre fils, et les témoignages d'autres parents qui ont vécu la même chose. Je vous parlerai aussi des pères. Je vous parlerai aussi des enfants, donc les frères et sœurs d'un enfant qui est mort. Et puis, si vous faites partie de l'entourage d'un parent qui a vécu la mort de son enfant, eh bien, je m'adresserai plus particulièrement à vous à la fin de cet épisode. Ça risque d'être un épisode assez long, mais c'est comme ça, c'est important. Si vous ne vous sentez pas concerné, si vous n'avez pas le temps, ça n'est pas grave, mais c'est un sujet qui mérite ce temps-là.

Anne-Laure:

Et avant de poursuivre ce podcast, je le fais pour Olivia, pour Claire, pour Sophie, qui sont toutes des mamans qui ont perdu un enfant et avec qui je partage cette peine, qui ont perdu un enfant et avec qui je partage cette peine qui nous a beaucoup rapprochées. Je le fais aussi, évidemment, pour Étienne, pour Antoine, pour Félix, pour Bosco, pour tous ces petits-enfants, ces bébés qui sont partis trop tôt. Je le fais aussi pour mes amis et mes proches Mathilde, morgane, marion vous reconnaîtrez les deux Anne-Sophie de ma vie, eleonore, léa Maglone, camille, suzanne. Vous toutes qui n'êtes qu'à un message ou à un vocal de moi, qui est toujours là pour moi, et je vous en remercie, qui est toujours là pour moi et je vous en remercie. Et je le fais aussi pour toutes les sourisettes qui m'ont apporté leur soutien de bien des façons Et, parmi ces sourisettes, marie, sophie, ségolène, qui m'ont partagé leur expérience de médecin sur le sujet.

Anne-Laure:

Il se trouve qu'il y a quelques mois, suite à l'enregistrement du podcast de 101, on m'a demandé si ce que je décrivais dans le deuil d'un enfant était propre à moi, à mes circonstances, ou si c'était quelque chose de général. Et donc, aujourd'hui, je vais partager avec vous à la fois mon expérience et celle des parents autour de moi. J'ai recueilli certains témoignages directement et je vous partagerai aussi ce que j'observe dans des associations, des groupes de parole ou simplement chez les parents autour de moi qui ont vécu un deuil. Donc, vous n'aurez pas seulement mon retour, mais celui de bien d'autres parents. Et la personne qui m'a demandé si ce que je décrivais dans mon podcast n'était pas uniquement ma façon de voir les choses, je dois le dire, n'a pas été vraiment très délicate.

Anne-Laure:

Il se trouve que c'était un médecin et je l'ai entendu. Alors, forcément, vous n'avez pas le ton, donc vous pourriez me dire mais c'est une interprétation, oui, c'était une interprétation. Il n'empêche que je l'ai entendu comme mais en fait, est-ce que c' serait pas que la plupart des gens le vivent mieux, qu'ils sont plus forts, courageux, qu'ils passent à autre chose, qu'ils avancent? Et j'ai trouvé ça très grave parce que, justement, c'était un médecin qui me demandait ça. Et c'est pour ça que j'ai appelé des amis médecins pour avoir leur retour sur leur formation, à la fois pour encourager tous les personnels soignants à se former sur le deuil, parce que vous serez forcément confrontés au deuil dans votre parcours à un moment ou à un autre, et aussi pour que les parents en deuil prennent conscience que, oui, leur médecin généraliste n'est pas formé, n'a aucune formation sur le deuil, et que c'est peut-être pas la personne qui sera la plus susceptible de les accompagner dans ce processus et qu'il faut parfois trouver de l'aide ailleurs et autrement.

Anne-Laure:

Le retour de ces médecins qui m'ont répondu était un petit peu le même sur ce premier point Ils n'ont que très peu d'informations sur le décès dans leur parcours universitaire, c'est une à deux heures grand maximum dans le domaine de la psychiatrie, et ce, dans toute la France. C'est-à-dire que j'ai eu des témoignages de formation dans toute la France Et parce que j'ai demandé à une médecin militaire, chez les médecins militaires comme chez les civils, moi je m'attendais à ce que, dans l'armée, les médecins soient davantage formés au deuil, à l'annonce du deuil, au suivi du deuil. En fait, pas du tout. Donc, il n'y a pas de formation, ou presque pas.

Anne-Laure:

Dans le peu de formation que les médecins reçoivent, on leur parle des cinq étapes du deuil telles qu'elles ont été définies par Elisabeth Küb l'acceptation. Je vais être très franche, ces cinq étapes, j'en suis pas fan du tout Et ni moi, ni les autres personnes en deuil à qui j'en ai parlé. Je pense qu'il vaut mieux voir ces étapes justement, pas comme des étapes, mais comme une espèce de constellation d'émotions, de réactions, qui sont susceptibles d'intervenir à différents moments, donc le déni, la colère, le marchandage, la dépression, l'acceptation. Mais on peut les vivre un peu dans n'importe quel ordre, on peut les vivre à des années d'intervalle, on peut revivre ces émotions à des années d'intervalle Et du coup, je ne trouve pas ça très parlant et ça m'inquiète un petit peu que ce soit les seules informations données aux médecins, sachant que c'est un travail précieux d'Elisabeth Kubler-Ross, qui a travaillé en soins palliatifs, mais un travail qui date, si je ne m'abuse, des années 60 ou 70.

Anne-Laure:

On est quand même 50 ans après. On serait temps de s'actualiser un petit peu. Il y a quand même beaucoup de recherches qui ont été faites depuis L'une des elle-même avec qui j'ai parlé et qui avait elle-même vécu plusieurs deuils difficiles, dont un pendant qu'elle suivait ses cours de fac sur le deuil. Elle me disait qu'elle ne s'avait pas du tout trouvé pertinente à l'époque. Elle a découvert les étapes proposées par le docteur Forêt, le docteur Christophe Forêt, dont je parle dans mon podcast 201. Elle avait écouté ce podcast et elle avait trouvé ces étapes beaucoup plus pertinentes.

Anne-Laure:

Pour vous les rappeler, il s'agit de la sidération, suivie d'une phase de fuite et de recherche à la fois, où on fuit la douleur et en même temps on recherche la présence de la personne qui est morte. On se raccroche à tout ce qu'on peut et en même temps on fuit. Donc, il y a un effet de pendule, si on veut, entre les deux. La troisième phase est celle de la déstructuration et la quatrième celle de la restructuration. Donc, oui, je pense qu'effectivement ces étapes sont plus pertinentes. Moi, personnellement, je m'y reconnais beaucoup plus Et toutes les personnes avec qui j'en ai parlé se reconnaissent beaucoup plus dans ces étapes-là, en tout cas, que dans les cinq d'Elisabeth Kubler-Ross.

Anne-Laure:

Ensuite, on explique aux médecins qu'il faut dire les choses clairement aux enfants, en donnant, par exemple, racontant, l'histoire d'un enfant qui était parti à l'aéroport chercher son papa, parce qu'on lui avait dit qu'il était monté au ciel. Alors, oui, là, je rejoins à 100% ces informations. Là, je pense qu'il faut absolument donner des explications claires aux enfants, avec des mots simples, leur expliquer que la mort est irréversible évidemment pas avec ce terme là leur dire que non, la personne ne reviendra pas, qu'on ne pourra plus la voir, la toucher, lui parler tel qu'on l'a connu dans ce monde-ci. On peut croire en une vie après la mort. Mais la vie ne reviendra pas de la façon dont ces enfants avaient l'habitude. Et puis, dans les formations, on leur explique plutôt le deuil du point de vue du patient qui est confronté à sa propre fin de vie Par exemple, un patient à qui on annonce un cancer et à qui on dit qu'il a probablement six mois d'espérance de vie plutôt que du point de vue du proche qui vient de perdre un patient.

Anne-Laure:

On m'a raconté comment, la première fois qu'il fallait annoncer un décès à une famille à l'hôpital, ces médecins s'étaient sentis totalement démunis, ils n'avaient rien sur quoi se reposer. Donc, ils apprennent sur le tas, parfois en observant les accompagnements d'agonie par les équipes de soins palliatifs, qui sont un petit peu en première ligne de l'accompagnement du deuil et qui sont sans doute mieux formés. Pour le coup, le docteur Fauret dont je vous parlais justement, lui, a fait une grande partie de sa carrière en soins Et malheureusement, à l'hôpital, on m'a rapporté qu'il y avait peu d'entraide entre les médecins et que les études étaient quand même très hiérarchisées, avec peu de contact entre les médecins seniors, les responsables médicaux et les internes, les étudiants en médecine, et qu'il y avait très peu de côté humain qui était transmis, enseigné, etc. Il est aussi remonté qu'il n'y avait pas de mot pour parler spécialement du deuil d'un enfant, c'est-à-dire qu'on parle d'un deuil périnatal, lorsque ça touche la période de grossesse ou juste après l'accouchement, mais ensuite rien, il n'y a pas de terme spécifique.

Anne-Laure:

L'une des médecins avec qui j'ai parlé m'a dit qu'elle avait lu que l'absence de nom pour un parent qui avait perdu un enfant venait du fait que c'était quelque chose d'extrêmement ordinaire jusqu'au XIXe siècle. Et puis, plus récemment, sont apparus les termes de mamange, de parange, mais c'est vrai qu'il n'y a rien. À ma connaissance, le terme de pérange n'existe pas vraiment ou de papa-ange pour les papas J'avoue que je ne l'ai pas entendu. Pare-ange concerne évidemment les hommes et les femmes Et donc il n'y a pas forcément de terme spécifique au papa ni aux frères et sœurs. Donc, ça, c'est effectivement très dommage. On m'a aussi parlé d'un groupe Facebook de mamans médecins Et j'ai trouvé que c'était assez parlant.

Anne-Laure:

Celle qui m'a parlé de ça m'a dit qu'évidemment, il arrivait qu'une de ces mamans médecins elle-même perde un enfant pour tout un tas de raisons Et que lorsque ça arrivait, il y avait des espèces de trigger warning attention sur les postes qui annonçaient la mort d'un de leurs enfants. Il y avait une grande solidarité qui se mettait en place pour les frais d'obsèques, par exemple, mais qu'il y avait toujours ces mêmes réponses qui revenaient. Je ne sais pas quoi dire. Mais je pense bien à toi, je t'envoie beaucoup d'affection». Mais toujours le je ne sais pas quoi dire, même sur un groupe de mamans médecins.

Anne-Laure:

Et celle qui m'a parlé de ça m'a dit qu'elle avait recommandé mon podcast, justement à une maman qui avait perdu un enfant en février. J'espère que ce podcast lui aura été utile. J'espère être aidante et ne pas l'avoir fait davantage souffrir, mais en tout cas, je pense qu'effectivement la mort ne doit pas être un tabou, et en particulier dans les professions médicales et du soin. Je voudrais maintenant aborder un peu avec vous ce que ces médecins m'ont raconté, leurs observations des personnes suivies pour des deuils, d'enfants ou pas, ou des deuils d'autres proches, parce que je pense que c'est assez instructif. Et puis elles offrent un autre regard qu'est celui des professionnels.

Anne-Laure:

Et puis, évidemment, mon propre entourage, il est biaisé. Il est biaisé géographiquement, socialement, culturellement. Donc, c'est beaucoup plus intéressant d'avoir le point de vue de médecins généralistes qui sont à travers toute la France, parce qu'évidemment, ils voient des gens beaucoup plus divers que ceux qui sont dans mon simple entourage. Ce qui est revenu, c'est que, dans leur patientèle, ils n'avaient pas forcément assez de patients pour se rendre compte de ce que représentait précisément le deuil d'un enfant, sachant qu'évidemment chaque parent ne le vit pas de la même façon. C'est difficile d'avoir une vision globale quand on ne rencontre que deux ou trois.

Anne-Laure:

L'une des médecins n'avait pas suivi de deuil d'enfant du tout, seulement des fausses couches, qui sont quand même des deuils d'enfant. Mais c'est un deuil spécifique qui est encore différent, et elle me disait que elle avait la sensation que l'enfant n'existait pas parce qu'on n'en parlait pas. Je précise qu'elle voyait ça comme un problème. Évidemment, elle-même n'estimait pas que l'enfant ne devait pas avoir d'existence, mais il y avait une espèce de chape de plomb qui tombait là-dessus. C'est vrai que quand on fait des fausses couches très tôt dans la grossesse, souvent l'entourage ne le sait pas. C'est avant trois mois qu'on ne l'a pas encore annoncé, et ça peut être parce qu'on n'a pas envie d'annoncer à la fois qu'on était enceinte et à la fois qu'on a perdu cet enfant, qu'il est mort. Donc, ça peut être très dur à vivre parce que ce deuil n'est pas connu forcément de l'entourage.

Anne-Laure:

J'ai même une amie qui m'a partagé avoir vécu une fausse couche juste après les trois mois. En général, on se dit trois mois, on est en sécurité. On n'est jamais en sécurité contre les fausses couches. Et elle ne m'en a parlé que plusieurs mois après les faits, simplement parce que c'était difficile en fait pour elle d'en parler Et quelque part, c'est dommage que là aussi, ça reste quelque chose de tabou. Alors, cette médecin qui me parlait spécialement des fausses couches m'expliquait qu'aujourd'hui, elle prévenait les futurs parents qu'il existait un risque de fausse couche, afin qu'ils ne soient pas pris au dépourvu, parce que c'est vrai que le risque de fausse couche, il existe. Il n'est pas négligeable de être de, je crois, 6, qui se termine malheureusement par une fausse couche. Et alors, je vais faire très attention à ce que je vais dire.

Anne-Laure:

Je pense qu'expliquer aux parents que ce risque existe, si, malheureusement, une fausse couche arrive, survient, je pense que ça peut les aider à retrouver une forme de normalité. C'est-à-dire que dans le deuil d'un enfant qui n'a rien de normal je le précise tout de suite qui est totalement contre l'ordre des choses, et bien, c'est aidant de retrouver une forme de normalité, par exemple en rencontrant d'autres parents qui vivent la même chose ou, par exemple, en comprenant qu'il y a d'autres parents qui ont vécu des fausses couches et que déjà, ce n'est pas de notre faute, qu'on n'y peut rien. Je parle évidemment de l'immense majorité des cas. Il peut y avoir, je ne sais pas, un père qui violente sa femme et qui lui fait perdre le bébé. Il peut y avoir des cas comme ça, mais dans l'immense majorité des cas, une fausse couche, on n'y peut rien. Et donc retrouver à la fois perdre peut-être ce sentiment de culpabilité et retrouver une certaine normalité dans quelque chose qui n'a rien de normal, sentir qu'on fait partie d'une communauté d'autres familles qui, malheureusement, vivent ça. Donc, sans pour autant inquiéter les futurs parents, je pense que c'est utile de dire que ça existe, là encore, pour qu'il n'y ait pas le sentiment d'être un petit peu des parias de la société, des exceptions, même si on préférait évidemment que ça arrive beaucoup moins. Malheureusement, ça reste relativement fréquent.

Anne-Laure:

Les accompagnements de deuil peuvent être aussi assez conflictuels. Enfin, plus que les accompagnements de deuil, plutôt le vécu du deuil dans une même famille peut être très conflictuel. Les exemples qu'on m'a donnés, c'est un papa qui se met en colère quand on aborde le sujet de son fils qui est mort, une mère qui ne finit pas son deuil Alors, un deuil d'enfant pour moi n'est jamais fini, qui est toujours dans un vécu dépressif assez profond des dizaines d'années après, une sœur qui n'ose plus parler de son frère, qui est décédé et qui, elle-même, va se mettre à développer des troubles relationnels avec son propre enfant. Donc, il y a des histoires un peu transgénérationnelles qui peuvent arriver. Vous voyez, la sœur elle-même peut avoir des difficultés avec son propre fils.

Anne-Laure:

On m'a raconté aussi le cas d'une fin de vie où le proche du patient aurait aimé que le décès ait lieu à domicile, mais la médecin a eu peur qu'il y ait une détresse respiratoire qui serait difficile à vivre pour le proche. Alors, au final, il n'y a pas eu cette détresse respiratoire, mais le proche a regretté que le médecin ait pu lui expliquer ce qui risquait d'arriver. Donc voilà, c'est difficile, du coup, de faire un suivi du deuil, parce que certains aiment savoir. Ça les rassure, ça leur fait du bien de savoir ce qui peut se passer. D'autres préfèrent ne pas savoir ce qui peut se passer, et puis, il y a des choses très difficiles parce que souvent, on évalue mal les choses.

Anne-Laure:

Un autre exemple qu'on m'a raconté, c'est le cas de l'accompagnement d'une fin de vie d'une mère de famille qui est décédée d'un cancer en 2-3 ans. En fait, elle n'est pas décédée du cancer en lui-même, elle est décédée d'une infection, mais elle avait un cancer qui, entre guillemets, l'a condamné. Et le deuil, là aussi, a été très conflictuel, parce que chaque mem totalement différente de l'aborder Et il y avait une incompréhension totale entre les uns et les autres. Le papa, lui, s'est mis au petit soin auprès de sa femme. Il voulait lui offrir un peu une vie de famille idéale. Et cette épouse, elle avait quand même une qualité de vie qui était réelle, qui était apportée par l'équipe médicale. Et la fille, à l'inverse, a totalement, apparemment, nié la maladie.

Anne-Laure:

Elle voulait vivre son adolescence et, de l'extérieur, l'équipe médicale a eu l'impression qu'elle ne prenait pas conscience du deuil, enfin, du deuil du risque de mort de sa maman, et avait l'impression qu'il y avait une espèce de dissociation qui s'effectuait. Et puis, il y avait un fils qui, lui, essayait de faire le pont, le père et la fille. Et après la mort de la maman, le père s'est effondré, il a sombré un peu dans l'alcoolisme, même s'il faisait semblant de tenir le coup après coup, le fils, lui, a quitté la maison, il est parti à l'autre bout du monde pour, probablement, fuir la situation. Et la fille, en revanche, elle, s'est avérée relativement stable Et en faisant son suivi médical, la médecin avec qui je parlais m'expliquait qu'elle avait réalisé qu'elle n'avait jamais été dans le déni de ce qui est arrivé à sa maman. Et, en fait, au moment où sa maman était malade, cette fille aurait eu besoin de son père, qui n'était pas vraiment là pour elle, et elle disait qu'elle ne voulait pas offrir à sa maman une vie différente de celle qu'il vivait auparavant. Donc, elle faisait tout pour vivre une vie aussi normale que possible.

Anne-Laure:

Elle était adolescente, elle faisait la tête comme elle faisait la tête avant, dans les mêmes circonstances. Elle refusait d'aller voir sa maman malade à. L'hôpitalhui. Elle ne veut pas qu'on retire quoi que ce soit qui symbolise la vie de sa maman dans la maison familiale, alors que le papa aimerait bien lui faire quelques changements.

Anne-Laure:

Donc, vous voyez trois personnes, un père, un fils, une fille, qui vivent les choses de façon totalement différente et l'équipe médicale pouvait penser que la fille était dans le déni, alors qu'elle ne l'était pas du tout. Donc, la conclusion qu'en a tirée mon amie médecin, c'est qu'on a beau vouloir aider dans la préparation au deuil, en fait, il y a autant de deuil que d'individus. Donc, c'est extrêmement délicat. Quelque chose de très spécialisé aussi.

Anne-Laure:

D'où le rôle fondamental des équipes de soins palliatifs qui sont évidemment confrontées au deuil au quotidien, j'ai envie de dire, et qui donc développent sans doute aussi des compétences pleines de délicatesse et de nuances dans le raccompagnement du deuil. Un autre éclairage que je trouve intéressant concerne des mamans, en particulier des mamans immigrées qui viennent d'autres cultures, d'autres pays. Et évidemment, ce sont des choses que les médecins découvrent souvent lors des suivis de grossesse. Parce que, pendant un suivi, au début d'un suivi de grossesse, on demande toujours un petit dossier. On remplit un dossier et les médecins demandent le nombre d'enfants et le nombre de grossesses Ou, dans l'autre sens, le nombre de grossesses et le nombre d'enfants nés vivants.

Anne-Laure:

Et donc, en faisant un accompagnement comme celui-là, un accompagnement comme celui-là, un accompagnement de début de grossesse, ce médecin a réalisé que la maman qu'elle avait en face d'elle avait perdu un enfant. On lui explique que c'était d'une mort subite du nourrisson, mais il n'y avait pas de pleurs, il n'y avait pas de larmes chez cette maman, pas de fragilité particulière en parlant de cet enfant. Et ce qui a frappé le médecin, c'est que la maman ne comptait pas cet enfant dans ses enfants. Mettons que ce soit le cinquième enfant qui était mort d'une mort subite des nourrissons. Mettons qu'elle était enceinte du sixième enfant.

Anne-Laure:

Elle considérait ce sixième enfant comme son cinquième. Et il se trouve qu'il s'agissait d'une musulmane pratiquante. Et mon ami médecin a estimé qu'il y avait peut-être le rôle de la foi et d'un sens spirituel derrière qui apportait quelque chose à cette maman, peut-être une certaine paix, une certaine sérénité vis-à-vis de ce décès. Et il y a d'autres témoignages qui, à mon avis aussi, révèlent d'autres choses. Elle me partageait le suivi d'une personne âgée qui avait des risques d'ostéoporose.

Anne-Laure:

Donc, on demande, dans ce cas-là, le nombre d'allaitements qu'il y a pu y avoir. Eh bien, la mère n'était pas en capacité de dire combien d'enfants elle avait eu, combien de fausses couches, combien d'enfants nés vivants ou décédés, parce qu décédée ne comptait pas pour elle. C'est une femme qui avait laissé ses enfants d'un premier mariage au pays, mais elle ne semblait pas souffrir de cet abandon, et elle avait eu d'autres enfants en France, d'un second mariage. Donc, là, je pense qu'il a aussi un rôle culturel. Même chose avec une autre patiente africaine sans papier, qui avait eu un désir de grossesse plus tardif Et dans l'accompagnement, il s'est avéré qu'elle avait eu une mort in utero au pays, en Afrique, mais elle expliquait que là-bas, on n'en parle pas, Ça reste tabou.

Anne-Laure:

Et, avec tous ces éclairages-là, il semble que le deuil d'enfant ne soit pas forcément un sujet dans les pays où il est trop fréquent. Et je pense que c'était exactement la même chose en France, jusqu'au début XXe siècle. D'ailleurs, moi-même, j'avais découvert que, vous savez, à une époque, on portait le deuil, on s'habillait en noir pendant un certain temps, il y avait des règles qui régissaient ça, suivant que c'était la mort d'un parent, d'un conjoint d'un parent d'un conjoint d'un frère ou sœur, etc. J'ai découvert qu'en fait, on ne portait pas le deuil d'un enfant Et je pense que la seule explication, c'est que si on portait le deuil d'un enfant, on serait tout le temps en deuil. Il y avait beaucoup de familles, très nombreuses, dont la moitié des enfants survivaient, et donc le deuil d'enfant n'était pas forcément spécialement un sujet à ce moment là, tout comme il ne l'est pas dans un certain nombre de pays aujourd'hui, où la mortalité infantile est encore extrêmement élevée.

Anne-Laure:

Je pense aussi alors, écoutez bien mes mots, ne me faites pas dire ce que je ne veux pas dire je pense aussi que les parents s'autorisent moins à s'attacher à leur enfant quand il a ce risque de la mortalité infantile qui pèse sur eux. Je ne dis pas attention, que les parents aiment moins leurs enfants que d'autres parents dans des pays où la mortalité infantile est plus faible. Je pense que l'amour, il est le même, mais qu'on ne s'y attache pas, qu'on ne crée pas un lien vraiment sécure, on ne se dit pas cet enfant, il va rester avec moi jusqu'à la fin de ma vie. Quand je dis avec moi, il va rester en contact avec lui jusqu'à la fin de ma vie et je mourrai avant lui, je pense qu'on est davantage préparé à ce que des enfants meurent, et donc, il y a une espèce de préparation à ce détachement qui risque d'arriver. Et je pense que c'est exactement la même chose dans les siècles qui ont précédé, en France, qu'on ne s'attachait pas à un enfant qui naissait comme on s'y attache aujourd'hui, on ne s'imagininaient pas ce lien avec une telle sécurité.

Anne-Laure:

Du coup, si un enfant décédait quelque part, on y était déjà un petit peu préparé. Alors, tout ça, évidemment, ce sont des hypothèses, des réflexions, mais voilà, j'ai aucune réponse définitive, mais je voulais les partager avec vous. Il y a aussi, sans doute, beaucoup de choses qu'on refoule, et quand il y a des tabous dans les pays, comme cette maman qui disait que la mort est une hétéro Dans son pays d'Afrique, on n'en parlait pas. Il y a peut-être des choses qui se sont refoulées Et qui sont source de grandes souffrances, aussi Pour les parents en deuil. Ensuite, j'ai abordé avec ses amis médecins La question du deuil pathologique Et c'était compliqué parce qu'en fait, elles ont très peu de données sur ce qu'est un deuil pathologique.

Anne-Laure:

Pour l'une d'entre elles, on lui avait appris qu'on parlait de deuil pathologique dès 6 mois Et à ce moment-là, on parlait de dépression, avec une invitation à médicaliser les choses. Mais elle me précisait que le deuil d'un enfant, en quelque sorte, ne rentrait dans aucune case, comme s'il était permis que ce deuil-là ne se termine jamais Du point de vue des médecins. Mais elle m'expliquait aussi que le deuil d'un enfant adulte rentrait à nouveau dans les cases, comme si un jeune qui se suicidait ou qui avait un accident de moto, etc. On devrait le vivre comme un deuil de grand-parent ou de parent. Alors que, je peux en témoigner, j'ai rencontré des parents d'enfants, disons de jeunes, qui sont décédés et qui continuent à pleurer tous les jours, 20 ou 30 ans ou 40 ans après, donc, le deuil d'un enfant.

Anne-Laure:

Il est toujours toujours très particulier que l'enfant soit mort in utero, que l'enfant soit mort juste après l'accouchement, qu'il était tout petit, qu'il était adolescent, qu'il était jeune, jeune adulte. Du coup, en ce qui concerne le deuil pathologique, ce qui est revenu le plus souvent, c'est que, en fait, on parle de deuil pathologique quand la personne n'est pas capable de fonctionner au quotidien, d'après les médecins. Un exemple qu'on m'a donné, c'était le deuil d'une grand-mère qui était devenue pathologique parce que la petite fille, déjà, se disait qu'elle ne pouvait compter que sur elle-même Et, plus d'un an et demi après, elle n'était pas capable de reprendre son travail parce qu'en fait, elle était envahie par la présence de sa grand-mère, qu'elle imaginait sans arrêt sur la chaise à côté d'elle. Donc, elle n'était plus jamais seule avec elle-même. Il y avait cette présence qui la tristait, lui pesait Une autre forme de deuil, peut-être pathologique.

Anne-Laure:

Du point de vue des médecins avec qui j'ai parlé, ça aurait été l'impression que rien ne doit bouger à la maison, les vêtements, la chambre du défunt, parce qu'on ne veut rien perdre de son existence. Peut-être aussi, quand on n'arrive pas à séparer les morts des vivants, quand les cendres sont conservées dans le salon et que la maison entière devient une espèce d'hôtel à l'enfant qui est décédé, que tout ça pouvait être pathologique. Alors, en ce qui me concerne, je vais vous donner mon avis totalement personnel, c'est que je pense qu'il faut séparer deux choses. Je pense qu'il faut séparer la notion de deuil pathologique et le besoin d'un arrêt de travail, parce que ce sont deux choses différentes. Pour moi, un deuil pathologique, c'est un deuil qui se déroule mal, par exemple avec un processus de deuil qui se retrouve bloqué.

Anne-Laure:

Normalement, le processus de deuil se déroule dans l'inconscient. C'est comme une cicatrisationoursouflée infectée, je ne sais pas, mais il y a une cicatrisation qui va se faire. Mais parfois, ce processus peut se retrouver bloqué, peut-être à cause d'un traumatisme précédent, à cause de tout un tas de choses possibles, un petit peu comme une maladie du sang qui empêche le sang de coaguler, qui empêcheraient la cicatrisation. Ça peut être aussi un deuil qui régresse. Je dis ça avec beaucoup de précaution, parce que le deuil, parfois, peut être un peu spiralaire. Il progresse en spirale où on a l'impression de revenir en arrière, vivre comme une régression. Mais des mois plus tard, cette régression mène à un progrès dans le deuil, qui est en fait le fait d'intégrer la relation qu'on avait avec la personne qui est morte. Cette relation, elle ne peut plus être physique et sensorielle.

Anne-Laure:

Donc on l'intègre en nous et c'est tout ce travail qui est le processus de deuil. Donc ça, pour moi, c'est plutôt ce qui relève d'un deuil pathologique. Mais à côté de ça, on peut très bien avoir un arrêt de travail pour un deuil qui se déroule tout à fait normalement, parce que le deuil, même s'il se déroule tout à fait normalement, reste un processus extrêmement éprouvant qui empêche de travailler pendant un certain temps ou qui réduit les capacités de travail. Et je vais vous reparler de mon exemple sous peu. Moi-même, je ne vis pas un deuil pathologique, en tout cas, d'après un spécialiste du deuil. Apparemment non, ça n'a pas l'air d'être le cas.

Anne-Laure:

Et pourtant, je suis toujours à mi-temps thérapeutique, plus d'un an après la mort de mon fils. Le mi-temps thérapeutique, c'est un arrêt de travail à mi-temps. Donc, je travaille à mi-temps et j'ai un arrêt maladie à mi-temps, ce qui me permet d'alléger ma charge de travail. Donc, une de ses amies médecins, avec qui j'ai parlé, reconnaissait qu'elle n'avait jamais vraiment réussi à accompagner ses patients dans le deuil Et qu'aujourd'hui, elle restait très ouverte à ce qui venait d'eux. Et qu'aujourd'hui, elle restait très ouverte à ce qui venait d'eux, qu'elle cherchait plutôt à les suivre qu'à les guider, parce que, justement, tout le monde n'a pas besoin des mêmes choses. J'en parlais tout à l'heure. Certains aiment avoir des explications, d'autres pas. Tout le monde ne le vit pas de la même façon non plus. Et pour elle, il n'y avait pas forcément de frontière entre le deuil pathologique et le deuil normal Et elle faisait plutôt la distinction entre un état de vie fonctionnel ou pas fonctionnel. Et, du coup, les critères pour un arrêt de travail, même si le deuil n'est pas pathologique, ils seraient plutôt les suivants, qu'il s'agisse du deuil d'un enfant ou d'un proche, de manière générale, en gros, c'est s'il y a un retentissement important, évidemment, sur la vie quotidienne, sur le fonctionnement habituel et sur le corps. Donc, par exemple, des troubles de la concentration, ça fait partie des choses qui sont très fréquentes dans un deuil. La difficulté à se concentrer longtemps, à faire des liens, à être le même travailleur qu'on était avant, ça peut être aussi des troubles du sommeil, ou bien des réveils fréquents la nuit, ou bien des réveils précoces, ou bien des difficultés à s'endormir, ça peut être une plus grande fatigabilité, ça peut être des complications somatiques, des douleurs, Ça peut être des maux de tête, des migraines, des douleurs digestives, des tendinites, des lombalgies. Parce que nous sommes des êtres incarnés, nous sommes corps et esprit et quand la psyché souffre, le corps en général, vit des répercussions aussi. Et puis, ça peut être aussi des idées noires. Parmi ces idées noires, la reviviscence, donc l'impression de revivre en boucle les phénomènes qui nous ont traumatisés, surtout la nuit. Ça peut être les cauchemars, ça peut être la pensée permanente et intrusive de la mort au sens large, ça peut être la pensée intrusive de la perte de l'être qui est décédé ou de tous les autres qui sont décédés avant lui, la confrontation à sa propre mort moi aussi je vais mourir L'idée qu'après tout, quel est le sens de la vie? et donc des idées noires, l'impression que tout est fait pour s'arrêter, que la vie ne vaut plus la peine d'être vécue. Ça peut être l'incapacité à prendre du plaisir parce que ça ne sert à rien, et évidemment, ça peut être aussi les pensées suicidaires. Donc, voilà un peu. Je sais que c'est un peu long, mais voilà tout ce dont m'ont parlé ces amis médecins. Et l'une d'entre elles a fait une remarque, parce qu'elle, elle suit mes podcasts, elle suit mes formations Et elle m'a dit dans les premières semaines de ta reprise, étienne était encore très présent Et maintenant ça ne se voit plus, et je devine une grande force dont je suis très admirative. Et ces paroles m'ont, je ne dirais pas étonnée, je n'en ai pas vraiment été surprise Mais pour moi, elles révèle le grand problème pour les familles en deuil d'un enfant, qui est qu'il y a une différence énorme entre ce qui se voit et ce qui ne se voit pas, et donc on peut supposer des choses qui ne sont pas forcément vraies. Et c'est là où je vais vous parler de mon témoignage, de mon vécu, un an et un mois après la mort de mon fils, exactement un an et un mois. Et il se trouve qu'en fait, je suis en pleine phase de déstructuration, parmi les quatre phases dont je vous parlais, du docteur Fauret. Donc, ça ne se voit pas, mais je ne vais pas bien. Je pleure tous les jours. Il n'y a pas un jour où je ne pleure pas en pensant à Étienne, sauf qu'à l'extérieur, je suis parfaitement fonctionnelle. J'instruis nos enfants tous les jours, je leur fais des dictées, je les fais travailler avec le matériel Montessori, j'accompagne notre fils collégien dans ses cours par correspondance, je les accompagne à leurs activités, je fais des courses, je travaille. Je les accompagne à leurs activités, je fais des courses, je travaille. Je suis fonctionnelle. Mais franchement, est-ce que je serais fonctionnelle si ça avait été mon seul enfant qui était mort? J'en suis vraiment vraiment pas sûre. Pour vous donner une idée, j'ai rencontré, dans une association de famille en deuil d'enfants, une maman qui a perdu sa fille unique à l'âge de 12 ans, il y a des dizaines d'années de ça. C'est une dame qui, aujourd'hui, est très âgée Et elle me partageait combien c'était difficile d'avoir perdu sa fille unique, parce que, quelque part, elle ne savait pas trop si elle était encore mère. Et je lui ai dit, j'ai essayé de lui dire avec beaucoup de délicatesse, qu'à mes yeux, elle était pleinement mère, aujourd'hui et maintenant. Et elle en a pleuré et elle m'a prise dans ses bras. Et je pense que c'est extrêmement difficile, encore quand c'est notre enfant unique qui est mort. Et donc, je vais être franche, si j'étais seule, je m'effondrerais, je resterais au fond de mon lit Et si je me lève le matin, c'est parce que j'ai mon mari, parce que j'ai mes enfants et aussi parce que j'ai les familles que j'accompagne dans mon travail, parce que je vois un sens à mon travail, que j'aime. Et ceux qui n'ont rien de tout ça, ceux qui peut-être dont c'était le seul enfant, ceux qui se sont peut-être séparés de leur partenaire, ceux qui ne trouvent pas de sens à leur travail, je pense qu'ils ont de forts risques de rentrer dans une crise profonde et que c'est extrêmement difficile et qu'il faut s'accrocher à tout ce qui donne du sens à notre vie. Je parle du travail, mais ça peut aussi bien être un investissement dans le bénévolat, dans une association, et je pense que c'est pas un hasard si un certain nombre de familles de personnes en deuil s'investissent dans des associations de personnes en deuil, parce que ça donne un sens à leur souffrance. Comme je vous le disais, je suis toujours à mi-temps thérapeutique. Ça fait des mois que je suis à mi-temps thérapeutique. Au début, j'étais en arrêt complet Et c'est encore parti pour quelques temps. C'est pas prêt de changer. J'en suis à mon troisième suivi psy. J'ai démarré avec une psy qui m'a fait de l'EMDR et de l'hypnose, qui m'a aidée à dépasser le traumatisme des images de l'accident qui me revenaient en boucle. Mais cette psy voulait absolument que j'aille mieux tout de suite Et je n'étais pas prête du tout. Les mots qu'elle mettait pendant les séances d'hypnose ou de MDR, c'était des choses comme je vais très bien aujourd'hui, je vais de mieux en mieux et tout va bien. J'ai envie de lui dire mais non, en fait, tout ne va pas bien Et non, je ne vais pas bien et je n'ai pas envie d'aller bien. Là, tout de suite, on est, je ne sais pas, trois semaines, un mois après la mort de mon fils. Non, je n'ai pas envie d'aller bien, en fait. Donc, j'ai arrêté ce d'IFS Internal Family Systems qui est assez peu connu en France, mais qui sont des formes de psychothérapie assez courtes, qui m'ont bien débloquée sur des situations ponctuelles. Ça m'a fait beaucoup de bien Et là, récemment, j'ai démarré un accompagnement avec le docteur Christophe Fauret, dont je vous parlais, qui a écrit un livre qui m'a beaucoup aidée, que je vous recommande, que vous soyez vous-même concerné par le deuil ou si vous accompagnez des personnes en deuil, qui s'appelle Vivre le deuil au jour le jour ou Jour après jour. J'ai un doute. Vivre le deuil au jour le jour, voilà, euh, et je l'ai recommandé d'ailleurs à mon médecin généraliste, alors qu'il y a mis un an avant de le noter et de se dire ah, oui, oui, je vais le lire, en tout cas, vraiment, voilà, je vous le recommande. Et donc, j'ai démarré un accompagnement de deuil avec ce psychiatre qui, d'ailleurs, alors, je vous le partage parce que ça peut être rassurant pour les autres parents qui vivent, qui se disent mais j'ai l'impression d'être au fond du trou, alors que ça fait plus d'un an, j'ai l'impression que c'est pire que dans la période qui a suivi directement la mort de mon enfant. Il m'a rassurée sur le fait que ce que je vivais était parfaitement normal et que la phase de dést parfois un an, parfois plus, et qu'elle pouvait encore durer un an ou plus et que c'était parfaitement normal. En fait, juste après la mort, il y a des protections psychiques qui se mettent en place juste pour survivre, en fait, et qu'ensuite on commençait petit à petit à perdre tout ce lien corporel, sensoriel, qui nous unissait encore à l'enfant qui est mort. Ça prend du temps, c'est comme si on était imprégné de lui et de sa présence Et à un moment donné, cette présence, elle s'efface, elle s'effrite, et on a ces protections psychiques qui se soulèvent, qui disparaissent. Donc, on sent que tout ça nous échappe, ça fait peur Et on ressent ce vide profond qui est très douloureux. Par ailleurs, je suis allée dans une association de familles en deuil d'enfants. Alors, je ne peux malheureusement pas y aller très souvent, parce que ce n'est pas tout près de chez moi, c'est à 40 minutes, et que c'est compliqué par rapport aux enfants. Il faut que mon mari puisse être là pour les garder en parallèle. Donc, je n' aux enfants, il faut que mon mari puisse être là pour les garder en parallèle. Donc, j'ai pas pu y aller très souvent, mais ça m'a fait du bien. Et entre-temps, heureusement que j'ai des amis proches, et d'autres qui étaient moins proches à la base, mais avec qui je me suis beaucoup rapprochée parce que parfois, elles avaient vécu la même chose que moi ou pas. Et ces amies, elles, en début d'épisode, sans elle, je ne sais pas ce que j'aurais fait. C'était extrêmement précieux pour moi de pouvoir parler d'Étienne et aussi de pouvoir parler d'autres choses, pouvoir parler d'éducation, pouvoir parler de jardinage, pouvoir parler de séries télé, je ne sais pas, de n'importe quoi d'autre. Et donc, avoir des amis qui sont ouvertes à l'un comme à l'autre, c'est une richesse merveilleuse, je vous le souhaite de tout cœur. Ou avoir des amis à qui je dis ça ne va pas fort en ce moment. Une amie qui me dit pourtant, elle habite à des heures de chez moi qui me dit est-ce que tu veux que je vienne te faire un gros câlin Aujourd'hui? là, maintenant, je prends la voiture et je viens, et puis, et donc, elle va venir là dans quelques jours, me faire un gros câlin, et puis m'emmener courir Et passer deux, trois jours avec moi. Voilà, des amis comme ça, qu'est-ce que je peux vous dire, c'est un trésor. Je vous souhaite d'avoir des amis comme ça. En général, on ne le découvre que dans les moments difficiles, qui sont vraiment les piliers de notre entourage. Certains se révèlent. Je vous souhaite malheureusement de ne pas en avoir à faire l'expérience, parce que si vous avez à en faire l'expérience, c'est que vous vivez quelque chose de difficile. Mais si vous subissez quelque chose de difficile, je vous souhaite d'avoir des amis aussi merveilleux que ça, et c'est pas grave s'il y en a qui sont un peu moins merveilleux. Je vais être franche aussi sur le niveau physique, médical, sur ce qui m'arrive. J'ai pris 10 kilos, comme une amie me le dit. J'aurais tout aussi bien pu en perdre 10. Étonnamment, j'ai beaucoup pris au niveau du ventre, sans blague, quand on perd un enfant, je pense qu'il n'y a pas besoin d'être freud pour se dire que tiens, on prend au niveau du ventre parce qu'il y a un manque à combler de cet enfant qui n'est plus là, qu'on a porté dans son ventre, etc. Je vis beaucoup plus de migraines. J'ai toujours été de nature migraineuse, mais c'était très espacé. Ça l'est beaucoup moins. J'ai beaucoup plus de migraines qu'avant, des céphalées de tension aussi beaucoup Des maux de tête, énormément de fatigue, des problèmes de sommeil. Encore, plus d'un an après, je ne prends plus d'anxiolithique. J'en prenais au début, mais même en changeant d'anxiolithique, apparemment j'ai une sensibilité assez longue aux anxiolytiques et donc ça me rendait encore pâteuse le lendemain matin même avec un anxiolytique pourtant très léger. En revanche, je continue à prendre tous les soirs un mélange de plantes de l'Escaldia et de la Valériane. Sinon, je me réveille encore très, très tôt le matin. Et si je me réveille, si j'ai le malheur de me réveiller vers 4h ou 5h, je ne me rendors pas. Impossible de me rendormir. Je ne prends pas d'antidépresseurs, disons, prescrits médicalement En rev. Je prends du millepertuis tous les jours, qui est un antidépresseur naturel assez connu, assez puissant. Alors, attention, je vous partage simplement où j'en suis. Évidemment, ce ne sont pas des conseils médicaux, et je le précise particulièrement pour le millepertuis. Il y a beaucoup de contre-indications au millepertuis. Moi, je l'ai arrêté, par exemple, à un moment où j'étais malade et où j'avais des anti-inflammatoires. On ne prend pas du millepertuis avec des anti-inflammatoires. Donc, voyez avec votre médecin, moi, je ne suis pas là pour vous conseiller de prendre de l'escaldia ou du millepertuis ou quoi que ce soit, je vous dis juste que vous voyez, un an après, j'ai besoin de ça encore. Je prends des vitamines aussi, tous les jours. Encore, un an après, ma concentration, ma mémoire, ne sont plus ce qu'elles étaient, je crois. J'espère que ça reviendra, mais c'est vrai que je cherche davantage mes mots Et, malheureusement, comme le côté intellectuel joue un rôle important dans ma vie, rien qu'à travers ce podcast, à travers tous les contenus que je transmets mes formations, c'est une souffrance pour moi. C'est difficile de rencontrer plus de difficultés, des difficultés de concentration aussi. Comme il se trouve que, justement, je suis assez intellectuelle, ça ne se voit pas forcément à l'extérieur, je peux faire illusion assez bien, mais j'en souffre. Je me rends bien compte que mes capacités intellectuelles ne sont plus ce qu'elles étaient il y a un an Et j'ai découvert qu'en souffre. Je me rends bien compte que mes capacités intellectuelles ne sont plus ce qu'elles étaient il y a un an Et j'ai découvert qu'en fait, il y avait souvent plus de soucis de santé la deuxième année après la mort d'un proche, surtout chez les femmes. C'est le docteur Fauret qui m'a appris ça, donc, il ne faut pas être surprise que ça dure plus longtemps Et que ça dure plus longtemps. Et alors, je vous avoue que j'apprécie que mon médecin généraliste ne m'impose pas des questions qui soient trop intrusives pour m'accorder mon mi-temps thérapeutique. Et c'est horrible parce que chaque fois que j'y vais pour renouveler mon mi-temps thérapeutique je l'ai encore fait il y a très peu de temps j'ai le sentiment d'arnaquer la sécu, alors que c'est horrible parce que j'en ai vraiment besoin. Quand je vous parlais des critères définis par mes amis médecins pour donner un arrêt de travail suite à un deuil, je réponds à tous les critères Trouble de la concentration, trouble du sommeil, fatigabilité, complications somatiques, mes douleurs, mes maux de tête, mes céphalées de tension, mes migraines, et puis des idées noires. J'ai absolument tous ces critères, pas un seul. Donc, en fait, je n'arnaque personne. Mais j'ai ce sentiment d'imposture, de Donc, en fait, je n'arnaque personne. Mais vous voyez, j'ai ce sentiment d'imposture de me dire mais comment Est-ce que c'est normal que la société m'accorde un mi-temps thérapeutique? Oui, en fait, c'est complètement normal. Alors, en tant qu'indépendante, je précise quand même aussi une chose C'est quand même difficile quand on est indépendant, parce que le salaire qu'on touche n'a rien à voir avec les revenus qu'on touche en tant qu'indépendant. En gros, je crois que c'était en arrêt de travail complet, je touchais 15% de mon chiffre d'affaires normal. Donc, là, à mi-temps, je touche 7-8% de mon chiffre d'affaires normal en indemnité d'arrêt maladie. Autant vous dire que, financièrement, ce n'est pas vraiment une sinecure, mais c'est déjà ça. Et puis, quelque part, pour moi en tout cas, c'est important aussi que mon médecin, ma portée de validation, reconnaisse que je ne vais pas bien. Je fais semblant, mais je ne vais pas bien. Il y a une espèce de paradoxe entre une certaine fonctionnalité au quotidien Je suis fonctionnelle Et en même temps, des réelles difficultés physiques et mentales. Je suis fonctionnelle, mais en même temps pas trop. Pas trop m'en demander. Et je vais revenir aussi sur ce contraste dont je parlais entre mon apparence extérieure et peut-être ce qui ne se voit pas dans ma façon de communiquer autour des Montessori 7, et ce qui se passe à l'intérieur. Il faut dire aussi que je tiens à séparer un peu les choses, c'est-à-dire que mon entreprise, les Montessori 7, mon centre de formation, porte sur l'éducation, la parentalité, la pédagogie. Alors, le deuil fait partie de la parentalité, mais c'est un aspect de la parentalité. Ça n'est pas le fond de ce qu'on attend de moi au quotidien Et donc, je ne communique qu'un peu dessus. Et c'est important aussi pour moi qu'on ne me résume pas à ce deuil d'un enfant. J'ai de nombreuses facettes, dont celle-là qui, évidemment, fait partie de moi pour le reste de ma vie. Et puis aussi, on trouve des joies dans la vie de tous les jours, dans les rires des enfants, dans les jeux avec eux, dans la vie professionnelle aussi, je trouve beaucoup de joie dans mon métier, qui me réjouit profondément. Et en même temps, vraiment en même temps, il y a ce sentiment de vide, ce sentiment de ne plus être la même, d'avoir une espèce de façade. Et, comme je vous le disais, je pleure tous les jours. Et vous voyez, vous ne me voyez pas, mais vous m'entendez, et vous l'entendez peut-être dans ma voix. Mais rien que de vous parler de tout ça, j'ai la voix qui commence à se briser parce que j'ai cette façade qui tombe, se briser parce que j'ai cette façade qui tombe. Il se trouve aussi qu'au bout d'un moment, ça devient difficile d'aborder le sujet de son enfant, de la mort de son enfant, parce qu'on ne veut pas être seulement une personne en deuil, on n'a pas envie d'être réduit à ça. Et puis, on a aussi peur. Je pense que les autres s'inquiètent, que les autres nous trouvent peut-être faibles, peut-être dépressives, elles se laissent aller. Il faut qu'elles se reprennent en main ou même qu'ils nous trouvent morbides. Avec une de mes amies qui a perdu son fils, on a découvert qu'on avait toutes les deux des sujets parfois très glauques qui pouvaient nous passer par la tête ou nous obséder pendant un moment. Alors, c'est un peu difficile d'en parler comme ça dans un podcast, c'est assez vulnérable, évidemment. Mais c'est quelque chose que je voudrais normaliser, à la fois pour les parents qui m'écoutent et aussi pour leur entourage. On peut penser souvent ou régulièrement à des choses comme ce qui arrive au corps de notre enfant qui est enterré. S'il est enterré, réfléchir au processus de décomposition, imaginer ces images-là de comment notre enfant se décompose, imaginer ou obséder sur ce qu'il a pu vivre au moment de sa mort, imaginer ça du point de vue médical, je veux dire ce qui est arrivé dans son corps, ce qu'il a pu ressentir. On peut penser à l'autopsie aussi. C'est un point qui est revenu à plusieurs reprises. Nous sommes trois dans les témoignages que je vais vous lire, le mien et celui de deux autres mamans sur trois, où nos enfants ont vécu une autopsie Et je peux vous dire que, pour les parents, c'est un traumatisme, parce que Désolée, je vais être crue Écoutez pas ça si vous avez des enfants à côté. Je vous laisse quelques secondes pour peut-être mettre sur pause, parce qu'il y a des choses là que des enfants n'ont pas besoin de savoir. Mais dans une autopsie, on ouvre le crâne de votre enfant, on lui retire ses organes et on examine tout ça. Et donc, quand vous retrouvez le corps de votre enfant, vous avez peur de toucher ses cheveux, de caresser ses cheveux, parce qu'il peut y avoir une cicatrice en dessous, il y a une cic, et vous êtes terrifiés à l'idée de tomber dessus. Et j'aurais aimé, moi, habiller mon fils pour son enterrement, lui faire sa dernière toilette, mais c'est pas possible après une autopsie. Techniquement, c'est possible, mais vous imaginez psychologiquement ce que ça demande de faire ça après une autopsie. C'était juste pas possible. Donc voilà, on a des tas de choses comme ça qui sont pour. On a des tas de choses comme ça qui sont pour le monde dans son ensemble, qui semblent morbides et qui font simplement partie de notre univers au quotidien. Je suis allée à Paris il y a quelques mois, je suis allée visiter les catacombes, parce que ça m'a parlé. J'ai beaucoup pleuré, dans les catacombes, au milieu de tous ces ossements, de toutes ces personnes décédées, des crânes qui parfois étaient tout petits, des crânes d'enfants. Et donc, voilà, si vous vivez ça, je voudrais vous dire que vous êtes normal. En fait, vous n'êtes pas en train de vous n'êtes pas spécialement morbide. C'est juste naturel, quand on est confronté à la mort, de se confronter à tout ce qui implique la mort, y compris physiquement. Et si vous n'y pensez pas, désolé, j'espère que je ne vous ai pas mis ces idées dans la tête, que je ne vous ai pas perturbé. J'ai quand même cette conviction. Je me trompe peut-être, j'ai quand même cette conviction que beaucoup d'entre nous, les parents qui avons vécu un deuil, nous pensons à ces choses-là. Je voudrais aussi dire que on garde ce deuil pour nous, ça ne se voit pas forcément de l'extérieur et qu'en particulier, si on a des enfants, je crois qu'on fait particulièrement des efforts parce qu'on ne veut pas que nos enfants aient un parent triste. J'ai eu une maman triste, mon père était triste. On ne peut pas se résumer à ça. Donc, on fait ce qu'on peut. Et puis, la dernière chose que je voudrais vous dire, en ce qui me concerne, moi, c'est tout ce qui concerne les rituels d'anniversaire, parce qu'il y a des rituels autour du décès, de l'enterrement, de la crémation, il y a des cérémonies religieuses, il y a des cérémonies laïques, il y a des formes de rituels qui existent, qui sont relativement codifiées. En revanche, il n'y en a pas pour la suite. Il n'y en a pas pour les anniversaires de naissance de nos enfants ou pour les anniversaires de décès de nos enfants qui sont morts. Et, quelque part, c'est déstabilisant parce que autant pour un anniversaire classique, on a des points de repère Il, il y a des ballons, il y a un gâteau, il y a des cadeaux, et on n'est pas obligé de faire ces choses-là, mais ce sont des points de repère, autant qu'est-ce qu'on fait pour l'anniversaire de naissance de notre enfant qui est mort? et, en même temps, quelque part, c'est une source de liberté parce qu'on peut faire ce dont on a besoin plutôt que ce qu'il faudrait qu'on fasse. Donc, on peut faire ce dont on a besoin pour aller mieux. Pour l'anniversaire de naissance d'Étienne, on a fait un gâteau, son grand frère a fait un tiramisu, On a mis des bougies avec l'âge qu'il aurait eu, on a soufflé les bougies, on a chanté joyeux anniversaire Et on a soufflé les bougies tous ensemble. On a regardé des photos de lui Et c'était à la fois beau et horrible à vivre. Pour son anniversaire de décès, on a passé du temps. Sur sa tombe, il n'y a pas encore de pierre tombale, il est pour l'instant enterré en pleine terre. Donc, on a fleuri sa tombe, on l'a refleuri pour le printemps, des plantes qui étaient dans des pots, des compositions qu'on nous a offertes, etc. On les a plantées, on a couvert un peu la tombe avec de la mousse. Il y a des petites figurines d'anges. Voilà, c'est ce qui nous faisait du bien ce jour-là. Je pense que c'est important aussi de savoir qui on a envie d'avoir autour de nous ce jour-là et d'oser le dire, d'oser dire non, je préfère qu'on reste entre nous, ou, au contraire, j'ai besoin de vous là. Et puis, pour d'autres personnes, je voudrais le dire aussi, c'est pas forcément la tombe, ou l'emplacement au columbarium, ou le jardin du souvenir ou autre, c'est pas forcément ces lieux-là qui sont un lieu de recueillement. Je connais une dame, par exemple, qui a fait une espèce d'hôtel naturel dans la forêt pour sa maman qui est morte il y a des années de ça, et c'est là qu'elle va se recueillir. Pour d'autres, ça va être devant une photo de leur enfant ou dans la chambre l'anci. Il y a plein de choses possibles. Donc, voilà ce qui me concerne, et je voudrais vous lire les témoignages que d'autres mamans ont voulu partager avec nous tous. Voici donc le premier message qui m'a été envoyé par une amie qui s'appelle Sophie, qui a eu un petit bébé qui était malheureusement très prématuré et qui est mort une semaine après sa naissance. Alors, je vous préviens, évidemment, forcément, entendre tous ces témoignages, c'est un côté difficile pour vous. Très certainement, faites ce avec quoi vous êtes à, l'aise, mais je crois qu'il y a quand même beaucoup plus à retirer de ces témoignages que simplement, évidemment, la douleur de les entendre. Je pense que cette douleur vaut la peine d'être dépassée pour déjà étendre un petit peu notre niveau de compassion et aussi pour savoir comprendre ce que ces personnes vivent et savoir comment nous, quand on fait partie de l'entourage de ces personnes, on peut les aider d'une meilleure façon. Voici donc ce qu'elle m'écrit pour vous Le jour anniversaire de la mort de notre petit Bosco, le 2 décembre. Ça a été pour moi premièrement, un cadeau d'anniversaire miracle du ciel, celui que je t'ai raconté mardi dernier. Deuxièmement, une journée difficile, avec l'impression de revivre, heure par heure, l'agonie et la mort de notre tout petit. Troisièmement, une inscription dans l'histoire de notre famille et dans la façon de fêter cet anniversaire unique. Quatrièmement, un nouveau deuil à faire. Là, je fais une petite pause pour vous expliquer son premier point. Effectivement, sophie m'avait raconté ce qui s'est passé ce jour anniversaire, en fait, quand elle était. Donc, évidemment, quand elle a accouché, elle a dû rester à l'hôpital puisque son bébé était très prématuré, et elle a confié tous ses bijoux à son mari qui, à un moment, s'est retrouvé à devoir mettre une blouse d'hôpital. Et, bref, dans la confusion, il y a un bijou auquel elle tenait beaucoup qui a disparu. Ils ont demandé à l'hôpital de rechercher, ils ne l'ont pas retrouvé Et donc, ils avaient supposé que ce bijou était perdu à jamais, que peut-être il avait été jeté avec la blouse d'hôpital du papa. Pourtant, ils avaient recherché À l'hôpital. Ils avaient retrouvévé la blouse, mais il n'y avait pas de bijoux dedans. Peut-être que quelqu'un l'avait pris. Ils étaient faits à l'idée que ce bijou ne réapparaîtrait jamais et le jour même de l'anniversaire de décès de ce petit Bosco, le papa a eu besoin de faire des bagages et donc, il a récupéré un sac qu'il n'avaient pas utilisé depuis leur séjour à l'hôpital l'année d'avant Et dans ce sac, dans une petite poche dans laquelle ils n'avaient pas fouillé à l'époque, ils ont retrouvé ce fameux bijou. Et le fait que ça arrive évidemment le jour anniversaire du décès de leur petite-fille Bosco, de leur bébé, ils l'ont vu comme un clin d'œil de leur fils. Je pense que beaucoup de parents vivent ce genre de clin d'œil. Les chrétiens aiment bien aussi les appeler des clins Dieu, un clin d'œil de Dieu, et je crois que, vraiment, un grand nombre de personnes en deuil, de manière générale, connaissent ces petits moments où on se dit ça, c'est un signe que mon proche m'envoie, c'est pas anodin, c'est un signe que mon proche m'envoie, c'est pas anodin, c'est pas juste une coïncidence, ça fait trop. Donc, voilà de quoi Sophie parlait dans son premier point. Je reprends maintenant la lecture de son message. Chaque instant de cette journée anniversaire, et en dépit des rires et jeux des enfants autour de moi, en dépit des activités de la vie qui continuent, je n'ai pu me soustraire aux décomptes, heure par heure, des derniers instants de la vie de mon tout petit, de cette longue agonie, de ce moment où l'on a basculé ensemble de la vie à la mort, où l'on est passé de l'espoir en la vie qui est plus forte que tout, à la demande d'un miracle pour enfin accepter la mort, le décompte de ses premières heures sans lui et tous les deux, tout seuls, avec Louis, son mari de ce retour terrible à la maison, tous les deux laissant notre enfant derrière nous à la morgue et devant affronter le vide et l'annonce au grand. Je ne sais pas si c'est ainsi pour chaque maman qui perd son enfant ou si c'est parce que la première fois que je voyais et que je touchais la mort, c'était celle de mon enfant, la chair de ma chair. Mais en vivant la mort de Bosco, j'ai eu l'impression de vivre la place de Sainte-Marie le jour du Vendredi Saint, au pied de la croix. Je précise que Sophie est très croyante Et je pense sincèrement que chaque jour anniversaire qui passera, que ce soit le 1er ou le 20e, sera mon Vendredi Saint, un glaive transperçant à nouveau mon cœur de maman, j'ai croisé au cimetière. Quelle belle rencontre on peut faire dans un cimetière. Une vieille dame avoisinant les 80-90 ans qui me raconte, des sanglots dans la voix, la mort de son enfant il y a 60 ans, souvenir bien présent et vivant dans sa mémoire de maman. Le premier anniversaire de sa mort n'est donc que le premier des anniversaires à venir. La douleur ne passe pas. Louis faisait le parallèle de la famille et d'un corps avec un membre amputé. On apprend à vivre sans lui, mais il nous manquera toujours. En même temps, ça a été une journée que j'avais envie d'inscrire dans l'histoire de notre famille, avec les enfants et avec Louis, justement parce que et pour qu'elle soit la première d'une longue liste d'anniversaires, il fallait que ce soit une journée de joie et d'espérance plus que de pleurs. On a beaucoup prié ensemble, en famille, on a emmené des bougies sur la tombe de Bosco, qu'on a renouvelées jour et nuit pour qu'il n'ait pas froid, disaient les petits. On a chanté les chants qu'il n'ait pas froid, disaient les petits. On a chanté les chants qu'il aimait. On a même fait un gâteau avec une bougie. Enfin, après cette journée anniversaire de la mort de Bosco, après surtout la journée anniversaire de son enterrement, de ce jour où le corps de notre enfant nous est ravi de l'adieu au visage, je ne m'y attendais pas du tout. Ce fut très difficile, comme un nouveau deuil à accepter. Désormais, une année s'était écoulée et, par les anniversaires de mon enfant, je l'avais fait un peu revivre, nous l'avions fait revivre en famille Et, à nouveau, il me fallait lui dire adieu, le quitter et accepter de mettre du temps entre le moment où il a quitté ce monde et ce jour où, moi aussi, peut-être, je le rejoindrai. Voici donc le témoignage de Sophie Et je me permets de relever deux ou trois choses dedans que je partage totalement. Vous voyez, lorsqu'elle dit que, en fait, beaucoup de gens qui ont vécu le deuil, beaucoup de spécialistes du deuil le disent Paradoxalement, la première année peut être moins difficile que la deuxième. Moi-même, je l'ai vu avec notre fils pendant tout un an. Google Photos me proposait les souvenirs de l'année d'avant et je pouvais me dire à la même époque, voilà ce que j'ai fait avec Étienne, voilà ce qu'on a vécu tous ensemble en famille. Et puis, les choses se passent, et ça n'est plus l'année dernière, au même moment, c'était il y a deux ans, et ça n'est plus l'année dernière, au même moment, c'était il y a deux ans. Et ça change tout. Il n'y a plus cette proximité immédiate avec l'année précédente. Et puis, je crois aussi que quand on touche la mort d'aussi près, on garde cette proximité avec la mort. Je crois aussi qu'on n'en a plus peur quand, en parent, on a perdu un enfant, en tout cas quand on croit à une vie après la mort, parce qu'en fait, le jour où on va mourir, c'est aussi le jour où on va retrouver notre enfant. Alors ça ne veut pas forcément dire qu'on est suicidaire, ça ne veut pas forcément dire qu'on souhaite la mort. On peut avoir aussi des enfants, fort heureusement bien vivants, qui nous tirent, tire tous les jours du côté de la vie. Mais ça veut dire que, peut-être, le jour où les enfants auront grandi, on ne craindra plus cette mort. Je ne crois pas que plus tard, quand mes enfants auront grandi, j'aurai peur de la mort, parce que ce sera aussi le jour où je retrouverai Étienne. C'est extrêmement émouvant, évidemment, pour moi de lire ces témoignages. Donc, pardonnez-moi si ma voix tremble un peu. J'ai reçu un autre témoignage d'une amie Claire. Voici ce qu'elle écrit Au départ, elle m'a écrit un message et puis, pour la fin, elle m'a fait des audios que je vais essayer de vous résumer correctement, mais voici en tout cas ce qu'elle m'a vraiment écrit pour le début J'ai perdu mon cinquième enfant, félix, à 40 semaines d'aménorée, il y a bientôt un an. Je précise qu'en fait, c'était du coup à une semaine du terme, lorsque j'ai réalisé que je ne le sentais plus bouger, nous nous sommes rendus aux urgences avec mon mari. L'annonce terrible a été faite très rapidement par une gynécologue et, mon corps se mettant spontanément au travail, j'ai accouché quelques heures plus tard d'un magnifique petit garçon aux yeux fermés, que nous avons pu bercer et pleurer longuement avant de le confier à l'équipe soignante. Comme j'étais déjà maman de quatre enfants vivants, je pouvais mesurer précisément l'effondrement de notre monde, cet épouvantable gâchis. Je comprenais tout ce que nous ne pourrions jamais vivre avec Félix. Accueillir la mort. Lorsqu'on est prête à donner la vie, cela prend du temps à être compris, intégré par le cerveau. Je vous épargne les lieux communs dans cette situation du type on a préparé un berceau et on se retrouve à choisir un cercueil. Les obsèques se déroulèrent six jours après l'accouchement. Tout mon corps appelait et cherchait mon bébé. J'avais mal partout, mais surtout je commençais à ressasser des. Pourquoi Aurions-nous pu le sauver? Et qu'ai-je fait Lorsque le cercueil de Félix est descendu en terre? mon entourage me dit que j'ai poussé un cri de bête blessée, mais je n'en souviens pas. Et le deuil a commencé. Avec mon mari, le jour de la mise en bière, nous étions fait la promesse de ne jamais nous lâcher mutuellement, de rester unis face à cette épreuve, de donner à l'autre la possibilité de comprendre en quelques mots comment nous nous sentions. Je dois dire que lui a tenu parole et il le fait toujours. Pour ma part, j'ai eu des moments de telle douleur que je me suis parfois enfermée dans mon chagrin, étant en plein poste par Tom, sans mon bébé. Je ressentais ce manque si fort que j'en devenais folle. Pour le deuil d'un enfant mort-né, l'on se heurte déjà à certaines remarques indélicates qui tentent de minimiser la perte. Vous ne l'avez pas connu. Heureusement que ça n'est pas arrivé à un mois de vie. Au contraire, certaines personnes mettaient en avant le fait que je venais d'accoucher. Et cela me faisait du bien car, oui, j'avais porté cet enfant neuf mois et j'avais fait naître mon bébé. On m'a aussi gentiment demandé comment s'appelait notre enfant et prononcer son nom était si délicieux, nous étions heureux de le faire exister de cette manière. Je fais une petite parenthèse aussi Toutes les personnes qui ont témoigné ont mentionné le nom de leur enfant et je leur ai demandé si je pouvais utiliser leur prénom. Toutes m'ont dit qu'elles étaient heureuses de faire vivre le prénom de leur enfant. Notre crainte était que Félix devienne tabou, que personne n'en parle de peur de nous blesser, et il faut bien reconnaître que certains pensent ainsi et ne nous parleront jamais de lui, alors que nous, les parents, voudrions tellement le faire exister et parler encore et encore de ce moment où nos vies ont basculé et d'à quel point Félix était mignon et parfait, et nous sommes aussi bien entourés par nos familles et amis, qui nous ont inlassablement écoutés et auprès de qui le prénom Félix sera toujours prononcé normalement. J'ai entendu dans un podcast que le deuil périnatal durait trois mois. Quelle affreuse blague. Je reprends maintenant avec ma voix Danlor pour vous partager le reste de ce que m'a partagé Claire par oral. Il faut savoir que, depuis, elle a eu un autre enfant, une petite fille qui s'appelle Margot et qui est née très récemment. Évidemment, margot n'est pas un enfant de remplacement, mais voici ce qu'a observé Claire Il était impossible de mentionner Félix après la naissance de Margot, du moins à l'hôpital, avec le personnel médical, quand Claire parlait de Félix comme de son cinquième enfant qu'elle avait perdu, les sages-femmes, qui voulaient peut-être bien faire, surtout une et peut-être pour éviter une dépression du postpartum, se sont mises à poser des questions pour que Claire dise comment elle sentait les choses. Seulement, à un moment, la psychologue de l'hôpital qui avait suivi Claire pendant la grossesse parce qu'évidemment, c'est difficile, c'est compliqué de vivre une grossesse après la perte d'un bébé Donc, cette psychologue est venue à la maternité pour la voir et elle lui a dit qu'il fallait absolument qu'elle arrête de parler de Félix pour se protéger elle-même, parce que cette sage-femme qui la faisait parler, alors que Claire pensait qu'il s'agissé d'une femme qui faisait preuve d'écoute et de bienveillance, cette sage-femme avait fait une demande dans son dos de consultation en psychiatrie parce qu'elle trouvait que Claire n'avait pas tourné la page du deuil, comme si on pouvait tourner la page du deuil. Elle pensait que Claire n'était pas en situation d'accueillir son sixième enfant. Alors, ce n'est pas allé plus loin, car Claire a arrêté de parler de Félix. Elle avait déjà senti, il faut dire, que l'attitude de cette sage-femme n'était pas normale. Et juste après l'accouchement, deux heures, deux heures et demie après l'accouchement, on a ramené Claire, avec son bébé et son mari, dans le département de maternité avec un petit berceau en plexiglas. Si vous avez déjà donné naissance à une maternité, connaissez ces petits berceaux en plexiglas. Et Claire et son mari ont eu les larmes aux yeux Parce que la dernière fois qu'ils avaient vu ce berceau, c'était à la morgue. Ils se sont regardés, ils se sont compris sans se parler. Son mari Olivier est parti rejoindre les enfants et Claire ne supportait pas de voir sa petite fille, sa petite Margot, dans ce berceau. Du coup, claire l'a touchée tout le temps. Elle vérifiait tout le temps qu'elle était chaude, qu'elle respirait. Et puis la sage-femme, qui revenait voir régulièrement l'état des saignements de la maman, l'a vue faire et s'est interrogée. Claire lui a dit que la dernière fois qu'elle avait vu un bébé dans ce berceau Et c'est là où la sache-femme a commencé à poser des questions et où Claire a commencé à un peu trop parler. Mais vous imaginez le traumatisme que ça peut être, c'est simplement que l'existence de ce berceau, alors, je vous rassure, la psychologue a fait annuler la demande de consultation psychiatrique Et cette psychologue avait déjà eu une patiente dans un peu les mêmes circonstances Et la patiente avait apporté des photos de la fratrie et du bébé mort-né dans la chambre de son nouveau-né bien-vivant Et l'équipe soignante avait trouvé ça tellement morbide qu'ils avaient poussé la patiente à retirer toutes les photos parce qu'elle ne voulait pas retirer uniquement la photo du bébé mort-né. Et du coup, elle. J'invite le personnel soignant à rester un peu plus ouvert, surtout si les personnes ont un suivi psychologique à côté. Faites confiance aux professionnels de la psychologie qui s'y connaissent sans doute mieux que vous. En matière de deuil, n'essayez pas de juger de ce qui est morbide ou pas morbide. Chez Claire, le deuil s'est prolongé parallèlement à toute la grossesse. Évidemment, elle a connu des inquiétudes pendant toute la grossesse, là où, pour la plupart des femmes, on est inquiète, surtout les trois premiers mois, et moi-même, qui suis son amie, qui ai échangé avec elle tout au long de sa grossesse, je peux en témoigner Claire n'a pas cru à la réalité, à la possibilité que sa petite fille soit vivante, jusqu'au moment où le bébé a crié et où la sage-femme lui a bien dit qu'elle était vivante. Elle m'a envoyé un message qui ne disait pas Margot est née, où on a eu une petite fille. Elle s'appelle Margot, mais j'ai accouché d'une petite fille vivante, et ce vivante. Je l'ai parfaitement compris. Elle me disait Tiens, je suis surprise, en fait, presque surprise. Voyez, en fait ce bébé, il est bien vivant. C'était une vraie charge mentale pour elle d'être attentive aux mouvements dans son ventre, jour et nuit, pendant toute la grossesse. Si elle ne sentait plus les mouvements, elle avait besoin de faire une échographie, parce que l'absence de mouvement avait été le seul signe de la mort de Félix in utero. C'est pour vous dire, quelques heures plus tard, quelques heures après avoir accouché, elle avait prouvé un sentiment de terreur parce qu'elle ne sentait plus de mouvement à l'intérieur d'elle. Enfin, c'est normal, parce que sa petite fille était sortie de son ventre. Mais c'était devenu un réflexe Et évidemment, maintenant, elle a bien plus peur pour cette petite Margot que pour les autres enfants et, en particulier, elle a peur de la mort subite du nourrisson à cause de ça. Comme je vous le disais, ça n'est pas un enfant de remplacement, il n'y a pas vraiment de comparaison avec son frère. Simplement, la présence de Margot lui fait se demander si Félix avait tel ou tel détail qui ressemblait à ceci ou cela. Je vais vous parler d'un côté de réflexions qui peuvent paraître morbides à des gens qui n'ont aucune idée de ce que c'est. Mais, par exemple, claire n'avait pas osé soulever le bonnet de Félix parce qu'elle était terrorisée à cause de l'autopsie. Aujourd'hui, elle le regrette, mais c'est trop tard. Et puis, elle ne saura jamais de quelle couleur et à quoi, quoi ressemblaient les yeux du petit Félix, puisqu'il aimait les yeux fermés. La petite Margot a ramené de la légèreté et de la joie dans leur maison. Mais c'est aussi parce que ce couple a fait énormément de travail et de chemin, qui avait déjà fait revenir une certaine légèreté et une certaine joie. Ils pleurent toujours Félix, mais la présence de Margot leur a mis du baume au cœur. C'est bien leur sixième enfant, pas leur cinquième, mais ça fait du bien qu'elles soient à la maison, pour les parents, mais aussi pour les grands frères et sœurs. Claire n'a pas vraiment ressenti de baby blues ou de déprime postpartum, parce que la grossesse elle-même avait été une énorme déprime. Je parle bien de déprime, pas de dépression, mais d'une déprime suite à l'accouchement précédent. Donc, l'accouchement, lui, il a plutôt été une délivrance. La grossesse, elle me décrit elle-même comme une longue apnée. Elle ne s'est pas autorisée à la vivre pleinement par peur de regretter cette grossesse. En fait, elle a eu peur de regretter de ne pas avoir profité pleinement de cette grossesse, mais en réalité, il n'y a pas de regret, parce qu'elle n'avait pas le choix, elle ne pouvait pas la vivre autrement. Voilà pour le témoignage de Claire, qui est évidemment encore différent d'une autre. Et cette question de l'enfant de remplacement n'est pas vraiment une inquiétude à avoir quand vous faites partie de l'entourage. Ce sont des cas vraiment pathologiques, rares, où les parents considèrent le nouvel enfant comme un enfant de remplacement, lui donnent le même prénom, des choses comme ça. Et puis, j'ai eu un autre message d'une maman qui s'appelle Olivia, dont le fils, anton, qui avait 5 ans, s'est malheureusement fait écraser dans un parc, un deuil assez similaire au nôtre, puisque c'est un accident chez un jeune enfant. Et elle me dit que, pour elle-même et pour tous ceux qui ont aimé Anton, il leur manquera toujours toute la vie. Et elle aussi, elle me dit que, paradoxalement, c'est aujourd'hui qu'elle va le plus mal, plus que durant la première année. Aujourd'hui, aujourd'hui encore, elle se pose ces questions Pourquoi a-t-il été écrasé? Comment ça a pu arriver? C'est un parc, un espace de sécurité, normalement pour les familles. Donc, il y a ce paradoxe, cette incompréhension. Mais elle dit aussi qu'il y a tellement de deuils différents Le deuil d'un parent malade, d'un parent âgé, le deuil d'un enfant malade, le deuil d'un enfant pas malade, tout ça est très différent. Mais elle avait aussi une très belle métaphore, qui n'est pas d'elle, elle vient d'un podcast, je crois. Elle me disait on ne fait pas son deuil, on le tisse. En fait, à chaque fois qu'on repense à l'enfant, c'est comme si on tissait un nouveau fil dans la relation vis-à-vis de lui. Chaque fois qu'elle pense à Antoine, elle tisse un nouveau fil de la relation avec lui. Je pense d'ailleurs, ce que ça m'a évoqué comme réflexion, c'est qu'il me semble que le deuil le plus simple, c'est celui qui, d'un côté, est dans l'ordre des choses, donc celui d'un grand-parent plus âgé, à un âge où on s'attend à devoir mourir et surtout dans une relation où on n'a pas de regrets, justement parce qu'en quelque sorte, la tapisserie de notre relation, elle est finie, elle est complètement tissée. Quand il y a des regrets, on a encore des choses à tisser Et avec un enfant, évidemment, rien n'est fini. On l'a tout juste entamé, cette tapisserie. Donc, il y a encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses à tisser, de fils à faire passer. Olivia va dans un groupe de paroles pour parler de son deuil, un groupe de paroles spécialement de parents qui ont perdu des enfants. C'est un groupe de paroles fermé, c'est-à-dire que ça commence avec un certain nombre de familles et que ces familles-là restent du début à la fin. Il y a des groupes de paroles ouverts qu'on peut intégrer en cours de route, qui ne s'interrompent jamais. Puis des gens en partent, des gens y reviennent enfin ou y arrivent. Elle dit que, de son côté, elle peut en parler avec certains proches et avec son mari. Donc, elle ne ressent pas trop de souffrance de ce point de vue-là. Mais il se trouve aussi qu'elle a unrise du travail. Donc là, un peu comme moi, c'est une femme qui a repris son travail, qui a une vie à peu près normale Extérieurement, je pense que vous ne sauriez rien. Mais voyez, elle a un suivi psy. Elle va dans un groupe de paroles. On parle encore souvent, elle et moi, spécifiquement de son fils du deuil, et c'est très, très loin d'être fini. Voilà, comme elle le dit, c'est paradoxalement aujourd'hui qu'elle va le plus mal. Alors, parmi tous ces témoignages, vous serez peut-être surpris de découvrir que il n'y a pas d'hommes, alors que toutes les femmes dont je vous ai parlé et moi-même nous sommes mariées. En fait, il se trouve que c'est pas que j'ai oublié les hommes et les papas. Je vous oublie pas. Votre douleur est tout aussi dramatique que la nôtre. Les femmes, les mamans, mais les hommes n'ont pas souhaité témoigner, aucun d'entre eux. Alors, mon mari a accepté que je lui pose des questions, que je lui dise écoute, ça te paraît juste en ce qui te concerne. Donc, il m'a dit oui, ok, donc, ce que je peux vous dire de lui, de la façon dont il a vécu son deuil, c'est qu'il s'est jeté dans l'action, dans l'activité, le potager, les animaux, le bricolage dans la maison. Et pour lui, il a vraiment ce sentiment profond qu'il faut avancer, il faut aller de l'avant, il faut continuer Et je tiens à préciser, parce qu'il y a des papas qui sont parfois plus distants avec leurs enfants. Mon mari est un super papa, hyper investi, et il adorait notre fils. L'un de ses plus grands souvenirs, qu'il vit propre, qu'il n'a vécu qu'en tête à tête avec Étienne, c'est que le matin, c'était les deux premiers à se réveiller Et donc ils étaient tout seuls au départ, le matin. Et quand il a envoyé notre fils s'habiller, parce qu'il ne fallait pas qu'il reste en pyjama, notre fils baissait un peu le menton et lui disait méchant papa. Et puis, bon, il finissait quand même par aller s'habiller. Mais voilà, il lui disait méchant papa, parce que papa l'envoyait s'habiller, très gentiment, il ne l'envoyait pas brusquement. Donc, ça nous attendrait énormément de nous rappeler ces souvenirs-là. On parle souvent de nos souvenirs d'Étienne. De tiens, il aurait dit ça tu te rappelles quand J'ai aussi rencontré un certain nombre d'hommes à l'association des familles en deuil d'enfants, dans laquelle je me suis rendue à plusieurs reprises, et dans une autre association qui s'appelle Le Jour d'Après, il n'y avait quasiment pas d'hommes, quelques-uns qui venaient en couple, mais pas d'hommes seuls. Globalement, les hommes n'avaient pas, pour la plupart, pas de parler, la plupart avaient juste envie d'être là, de faire des choses avec d'autres papas. L'afde organise des après-midi où on peut travailler le bois, des choses comme ça, préparer des marchés de Noël, et ça, les hommes apprécient. Et ils me disaient qu'en fait, ils étaient simplement contents de faire des choses avec d'autres hommes qui avaient vécu la même chose. Ils n'avaient pas besoin de parler, ils avaient juste besoin de se regarder Et ils savaient, ils comprenaient, ils se comprenaient les uns les autres. L'une des médecins avec qui j'ai parlé m'a aussi parlé d'un patient qui avait perdu son fils il y a 30 ans et qui faisait preuve d'une assez grande brusquerie dans son comportement. Son fils était mort apparemment d'une mort subite du nourrisson, mais il soupçonnait sa femme d'avoir été violente avec le bébé. Ça a brisé leur couple. Il ne s'est jamais remis en couple, il n'a jamais eu d'autres enfants, mais il répétait là encore, il faut bien avancer. Et là, je pense qu'il y a une espèce de matraquage de la société sur les hommes qui fait qu'ils doivent être forts, ils doivent être responsables. Une chose que j'ai beaucoup remarquée aussi, puis que d'autres dans mes lectures aussi, et des choses que les hommes ont fait remarquer, c'est que souvent, l'entourage, quand ils vont voir le papa, lui demande comment va ta femme? Alors que la première question, c'est comment est-ce que tu vas toi en tant que papa. Donc, on leur met cette responsabilité de prendre soin de leur femme. Je pense qu'ils s'autorisent moins à vivre des émotions fortes. Ils doivent se montrer forts, ils sont responsables de famille. Ça m'a beaucoup surprise, des mois après la mort de notre fils, que mon mari me dise qu'il devait prendre soin de moi, qu'il faisait des efforts pour prendre soin de moi, alors que, dans ma tête, et c'est ce à quoi je m'efforçais depuis le début, pour moi, on devait chacun se soutenir l'autre, mais il ne se laissait pas soutenir par moi Et il avait cette responsabilité de devoir, moi, me porter, ce qui, à mon avis, est profondément malsain comme dynamique. Donc, je pense que les hommes ont ce poids de la société. Je crois de la société. Je ne crois pas que ce soit que s'ils étaient éduqués, élevés autrement, si la société est différente, je ne pense pas qu'ils réagiraient comme ça. Et je pense aussi que les hommes, parce que souvent ils ont été moins élevés dans l'expression de leurs émotions, ils se retrouvent émotionnellement très maladroits. Et je pense que, pour beaucoup, l'univers professionnel, ça leur offre une échappatoire à ces moments où ils sont à la maison et où ils se sentent complètement impuissants devant l'émotion de leur femme ou de leurs enfants. Mais parfois, les papas ont aussi de très belles visions des choses que je voudrais vous partager. Donc, il y avait ce papa Louis qui parlait d'un membre amputé. Pour la famille, la famille est comme un membre encore aux membres amputés. On apprend à vivre sans lui, mais il manquera toujours. Un autre mari disait qu'il aimait beaucoup être avec sa femme parce qu'alors les deux moitiés de leur fils était là réunis et que donc leur fils vivait par eux et par leur union, ce que je trouve magnifique aussi. Et puis encore un autre papa, lui, a eu le courage de demander un suivi psychologique. Il a un suivi psy 1h30 par semaine. Il fait partie d'un groupe de parole aussi, je pense que c'est inclus dans l'1h30 et ça lui fait beaucoup de bien et c'est quelque chose que je voudrais normaliser pour les papas. Alors, non pas dire que tous les pères devraient faire pareil, être suivi par un psy, faire des groupes de parole, ça dépend des individus. Mais je voudrais encourager tous les papas à qui ça pourrait faire du bien à le faire, et je trouve qu'ils devraient être encouragés par la société à le faire. Ça n'est pas être un homme faible que d'aller voir un psy. Je trouve qu'au contraire, ça dénote une grande force parce qu'on cherche à aller mieux. Enfin, je voudrais dire que ça peut être très, très dur pour le couple parce qu'évidemment, on vit le deuil différemment et, en plus, on subit une énorme fatigue, on a le système nerveux qui est à vif. Donc, forcément, c'est la recette pour avoir des disputes et des conflits. C'est très difficile. Je vous ai promis aussi que je vous parlerais des enfants Chez nos enfants. Je dirais que c'est plus facile avec les plus jeunes et je voudrais vous parler de ma fille de 6 ans en particulier. J'ai suivi récemment une formation à la psychologie adlérienne, qui est à la base de ce que je fais en parentalité, la discipline positive. Mais là, il s'agissait vraiment d'une formation de psychologie avec une psychologue, avec des formateurs en discipline positive, mais aussi avec des psychologues parmi les stagiaires, et elle nous faisait faire un travail à partir de différentes choses, mais aussi à partir de nos rêves. Donc, quelqu'un racontait un rêve qui était douloureux, qui faisait du mal, et elle lui demandait et si ça se passait bien dans ce rêve, comment est-ce que ça se passerait? Il y a plein de façons de transformer le rêve, plein de possibilités différentes. Par exemple, si on voit une tombe devant, peut-être que la tombe se transforme en un lit confortable. Si on a l'impression d'être prisonnier de cette tombe, peut-être que la tombe explose dans une pluie de paillettes, peut-être que la tombe devient un vaisseau spatial qui nous fait voyager. Il y a plein de possibilités de transformer ce rêve pour qu'il se passe bien, et ça dit quelque chose de notre psyché. Ma fille, un jour, a fait un cauchemar. Elle m'a parlé uniquement le matin. Le lendemain matin, elle m'a dit qu'elle avait rêvé que des loups avaient dévoré, ou un loup, je ne sais plus, avaient dévoré Étienne et qu'ils s'apprêtaient à la dévorer elle, et qu'elle avait eu très peur. Moi, je lui ai dit tu sais, si tu as trop peur de te lever la nuit, quand tu fais un cauchemar, tu peux juste crier, puis nous, on viendra te voir. Suite, je lui ai dit t'as dû avoir très, très peur. je lui ai fait un énorme câlin. On a juste pris du temps comme ça, juste pour Qu'est-ce que vous vouliez que je lui dise? Honnêtement, j'étais démunie, mais je l'ai prise dans mes bras, je l'ai réconfortée Et je vais être franche, il n'y a pas besoin d'être grand psychologue pour comprendre que le loup c de mourir. Elle se sentait en danger Et je l'ai simplement réconfortée, câlinée, et à un moment, elle m'a dit Non, mais en fait, maman, je me suis trompée. Les loups, ils n'avaient pas tué Étienne, étienne, il avait deux petits couteaux. En fait, il avait des petits, vous savez, comme les épées en bois, mais en mode poignard, qui était un peu comme Peter Pan, et donc, il avait deux petits couteaux dans les mains et il avait une armée de petits lapins blancs et avec, il allait attaquer le loup. Il faut savoir que, justement, ma fille de 6 ans, elle a un petit lapin nain qui est tout blanc, qui est son animal à elle, son animal de compagnie, et donc, vous voyez que d'elle-même, elle a transformé son rêve en Mon frère est mort. Peut-être que moi aussi je vais mourir, je suis en danger, et elle en a fait. Mon frère me protège et veille sur moi Avec l'aide de tous ces petits lapins qui ont tout ce qu'il y a de bon, de beau dans ce monde. Et ça, je trouve ça merveilleux parce que, les plus jeunes enfants, ils sont perméables un peu à tout ça et ils ont un contact avec leur inconscient qui est phénoménal. Les choses sortent très facilement, ils sont très à l'aise avec ce qui est imagé Et, vous voyez, ma fille a réussi à se soigner presque toute seule. Il n'y avait pas besoin d'un suivi psy, il y a juste eu besoin d'être là, de la réconforter, et d'elle-même, elle a transformé ce qui s'était passé dans son esprit. Pour les enfants, malheureusement, ça ne se passe pas toujours de façon si simple. Il y en a qui vivront leur deuil peut-être plusieurs années plus tard. J'ai une amie de mes parents qui a perdu son papa, qui s'est suicidé quand elle avait 16 ans, et en fait, elle a vraiment eu une période difficile à partir de 18 ans, entre 16 et 18. Ça allait, elle se concentrait sur le lycée, sur son adolescence, et donc, je crois que, surtout au moment de l'adolescence, il y a déjà tellement de transitions et de choses difficiles à vivre que les enfants élèvent des barrières psychiques autour du deuil et de la mort et qu'elles se baissent plus tard. Donc, il faut rester hyper attentif à ça pour être là au moment où ça risque d'exploser. Il me semble, et c'est ce qu'on essaie de faire, qu'il est important que les enfants puissent parler librement de leurs petits frères. Nous aussi, on en parle librement. Je pense que c'est important pour eux de voir leurs parents pleurer de temps en temps, qu'on puisse libérer cette tristesse pour qu'ils s'autorisent eux-mêmes à pleurer, et je pense qu'il faut aussi éviter qu'ils nous voient pleurer tout le temps, parce que je pense que ça doit être horrible de grandir avec un parent triste. Mon papa était triste, ma maman était toujours triste, et je pense qu'il est très important que les enfants aient le droit de jouer et de rire. En gros, on en parle avec des mots simples, avec beaucoup de confiance en eux, en nous, en nos liens, et je crois que c'est ce qui aide. Et je voudrais ajouter que, surtout chez les adolescents, il y a des exutoires artistiques qui peuvent vraiment aider. Ils peuvent beaucoup exprimer leurs émotions à travers différentes formes d'art. Pour notre fils aîné, ça a été la poésie, mais ça peut aussi être la musique, la danse. Là aussi, ce sont des endroits où leur inconscient peut plus facilement s'exprimer. Maintenant, si vous faites partie de, l'entourage, vous vous demandez peut-être ce que vous pouvez faire pour aider votre proche qui est en deuil, qui a perdu un enfant. Avant tout, je vous conseillerais de ne pas faire de suppositions, de ne pas chercher à trop analyser ce que vous voyez, parce que vous risquez de vous tromper. Je mentionnais le témoignage de cette amie médecin, mais qui fait aussi partie de mes formations et qui me disait qu'elle devinait une grande force en moi, qu'elle admirait beaucoup et qu'elle avait l'impression que ça allait mieux. Ben voilà, je vous le dis dans ce podcast, en fait, ça va moins bien. Donc, on ne se rend pas forcément compte. J'ai une autre stagiaire qui m'a envoyée. Donc, elle s'est inscrite à mes formations assez récemment et elle a découvert après que j'avais perdu un enfant il y a un an, Et elle m'a dit il me semblait bien que dans tes interventions sur les réseaux sociaux ou dans les podcasts, ces derniers mois, tu semblais plus fatiguée. Elle me parlait surtout des réseaux sociaux, instagram, facebook. Tu avais l'air plus fatiguée, avec moins d'énergie, que tu avais un peu perdu de ton aura. Et puis, elle a participé à des séances de questions-réponses, et puis elle m'a renvoyé, ou elle a revu, pardon, elle a assisté à mes webinaires. Et là, elle m'a renvoyé un message en disant Excuse-moi pour mon message, en fait, non, tu es toujours aussi rayonnante, bravo pour ce que tu fais, etc». Et je n'ai pas très bien compris, parce que moi, de l'intérieur, je n'allais pas si mal dans les vidéos qu'elle avait pu voir sur Instagram ou sur Facebook Et, en revanche, au moment des webinaires, j'étais crevée, j'étais malade, j'avais plus de voix, j'étais épuisée et psychologiquement, je n'allais pas forcément super bien Et, en fait, j'ai réalisé, en tout cas il me semble que c'est la seule explication c'est que sur les vidéos d'Instagram, m'étais maquillée Et donc, je pense que c'est la seule différence. Donc, évidemment, une femme non maquillée a l'air comme elle est, c'est-à-dire beaucoup plus fatiguée. On a l'habitude de voir des hommes avec des poches sous les yeux, mais les femmes les cachent, cachent les cernes. Donc, vous avez, vous, de votre proche en deuil. Le plus simple, c'est de ne pas faire de suppositions et de demander. Alors, je n'en veux pas du tout, je précise, parce que j'imagine qu'elles vont m'écouter à ces deux stagiaires, ces deux amis, vraiment, j'aurais fait la même chose. Mais mais voilà, ça m'a aidé à prendre conscience de ces petites choses très subtiles qui peuvent transformer le regard qu'on porte sur les autres, par exemple, se dire ah, mais en fait, elle est maquillée ou pas maquillée. ce qui aide vraiment, ce qui peut vraiment aider votre proche en deuil, c'est de parler de l'enfant, d'oser dire son nom, de demander, vous voyez, pour un tout petit, même s'il est mort juste après sa naissance ou juste avant sa naissance, à quoi est-ce qu'il ressemblait, comment est-ce qu'il était? Parce qu'il y a cette frustration, je pense aussi chez les parents de se dire Mais il était parfait, mon enfant, il était magnifique, il était beau comme un cœur Et ça a besoin de sortir tout ça aussi. Personnellement, je trouve qu'il est aussi très touchant de recevoir des messages à certaines dates un peu clés, comme l'anniversaire de naissance, l'anniversaire de décès, la fête des mères, noël, pâques pour les chrétiens, il y a des moments comme ça qui sont parlants fête des mères, fête des pères évidemment aussi, qui souffrent beaucoup. Il y a les frères et sœurs qui souffrent aussi beaucoup. Ça peut être plein de petits signes, comme un bouquet de fleurs sur la tombe plus d'un an après, on a des amis qui ont organisé ça avec les anciens de l'école de mon mari. Tous les mois, depuis la mort de notre fils, il y a une nouvelle composition florale sur la tombe. Encore plus d'un an après, une amie à qui je dis que ça ne va pas bien et qui propose tout de suite de venir me voir, alors qu'elle habite à des heures d'ici, pour me faire un câlin et m'emmener courir. Bref, que ce ne soit pas un sujet tabou. Et en même temps alors je sais que c'est difficile, en même temps, ne pas réduire votre amie, votre proche, à ça, à une personne en deuil. Mais, globalement, n'ayez pas peur de raviver une douleur que vous imaginez éteinte, parce que la douleur, elle est là de toute façon, même si vous ne la voyez pas. Je ne connais aucun parent chez qui la douleur n'est pas là. Ça n'est pas mon ressenti, c'est celui des dizaines de parents avec qui j'en ai parlé, que j'ai rencontrées Et, en plus, des dizaines ou des centaines d'autres dont j'ai lu les témoignages dans des livres sur le deuil. Encore aujourd'hui, il y a une amie qui m'a dit qu'elle avait vu un petit roquin de 4 ans courir avec sa famille et ça lui avait fait penser à Étienne. Et ça m'a fait du bien, en fait, de lire ça, d'entendre ça. Je crois que c'était en vocal. Ça m'a fait du bien, c'était juste un petit clin d'œil. Je me suis dit oui, je comprends, moi aussi, quand je vois des roues, des adultes, des enfants, je pense à Étienne. Il y a des membres de ma famille qui nous avaient paru assez distants sur ce sujet Et qui nous ont fait un album photo où on partageait, entre autres, des lettres qu'ils écrivaient à Étienne et qui m'ont révélé combien ils pensaient à lui et lui parlaient au quotidien. Ça aussi, ça m'a fait du bien, pour vous dire, dans la deuxième séance d'accompagnement du deuil par un psychiatre, on n'a fait que parler d'Étienne, de qui il était, de son caractère, de ce qui faisait, qu'en fait il était lui et pas un autre. J'ai pu partager des photos et des vidéos de lui. Là aussi, ça m'a fait du bien. Donc, vous ne ferez pas souffrir si vous reparlez de l'enfant, même si la personne en face de vous semblait bien avant que vous abordiez le sujet et que, tout d'un coup, elle pleure. Il n'y a pas besoin d'être dans la mièvrerie ou de montrer que vous ressentez de la pitié, parce qu'on ne cherche pas à avoir de la pitié, simplement, le tiens comment il était, comment il faisait dans ce contexte-là, est-ce qu'il aimait? tiens, vous allez à la plage et tiens, il aimait bien la plage, comment ça se passait avec lui. Ça va être dur, sans doute, de vivre ses vacances sans lui, vivre ses vacances sans lui. Vous voyez des choses comme ça, même si la personne en face de vous se met à pleurer, en fait, ce sont des larmes qui étaient là de toute façon et qui auraient coulé à un autre moment. En revanche, là, tout de suite, au moins, vous êtes là pour les partager et ça, ça change tout, parce que partager la tristesse, ça l'atténue quand même beaucoup. Pour conclure, là là, je voudrais vraiment m'adresser plus spécifiquement aux familles en deuil d'enfant, aux parents en deuil d'enfant, et vous dire que vous avez sans doute l'impression enfin, en fait, je vais vous redire la même chose que ce que j'ai dit dans l'épisode 201 vous avez sans doute l'impression que vous n'y survivrez pas, le fait de plonger dans une douleur encore plus profonde un an après. Vous pouvez penser que vous ne vous en sortirez jamais. Mais en fait, vous y survivrez. Et non seulement vous y survivrez, mais vous continuerez à vivre et vous vivrez de belles choses et ça ira mieux. Et là encore, peut-être que c'était déjà le cas six mois après la mort de mon fils, peut-être qu'un an plus tard, vous serez surpris à la fois que ça fasse si mal, cette douleur qui vous fend le cœur en deux et qui vous transperce de toutes parts, et qu'en même temps, vous puissiez si bien vivre au quotidien et sourire et rire et jouer avec d'autres enfants, même si, pour une partie, même si peut-être dans certains aspects de votre vie, comme votre vie professionnelle ou votre vie de tous les jours à l'extérieur de chez vous, peut-être que vous ne faites qu'illusion. Mais vous y survivrez, vous tiendrez le coup et je vous envoie infiniment de courage et d'affection. Si vous êtes encore à l'écoute de ce podcast, alors qu'il dure je ne sais pas combien de temps plus d'une heure, en tout cas, c'est qu'il vous aurait sans doute été utile Alors je vous invite à le partager avec les familles en deuil d'enfants, avec les proches des familles en deuil d'enfants, avec les professionnels du soin, de la médecine, avec les psychologues que vous connaissez, parce que, malheureusement, on est trop mal formés sur le deuil et beaucoup trop mal formés sur ce qui se passe un an après la mort d'un enfant, mais aussi d'un proche. Je vous remercie infiniment pour votre écoute, votre présence, et je vous donne rendez-vous mardi prochain pour un podcast qui sera sans doute beaucoup plus léger, beaucoup plus facile aussi pour moi à enregistrer, mais je vous remercie de votre bienveillance face à des épisodes qui, parfois, sont, comme celui-là, très durs et dans lesquels je suis obligée de me montrer très vulnérable. À très bientôt, votre petite souris 7. Anne-laure.

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